vendredi 10 août 2007

Bob Tumba Matamba parle du Congo dans son ouvrage « Le développement du Congo-promesses, faillites et défis- »

Dans un Congo où les mœurs sont en pleine décadence il était important et même salutaire de voir l’élite secouer dans son sommeil qui n’a que longtemps duré, alors pour se faire TUMBA Bob MATAMBA donne un coup de massue pour que demain la conscience reviennent dans le chef des congolais. Planète Afrique : Et si on vous demandait de résumer votre livre, que diriez-vous ? Tumba Bob Matamba : Je dirai qu’il est grand temps que les Congolais se réveillent, qu’ils puissent opérer un sursaut de conscience décisif en vue de prendre leur destin en mains. Car le Congo ressemble à un grand dortoir où des zombies somnambules sont plongés dans une sieste interminable, pendant que dans la pièce d’à côté les gens s’activent pour construire leur avenir et leur bonheur. P. A : Pensez-vous que pour que le Congo avance il faudrait supprimer la solidarité familiale, appelée aussi « solidarité bantoue » ?T.B.M : En cinquante années d’indépendance, quelle est le bilan de cette solidarité familiale bantoue empruntée aux traditions ancestrales? Où nous a-t-elle conduits ? Mon propos n’est pas de combattre la notion de solidarité, qui est une manifestation de la noblesse des sentiments humains. Je demande tout simplement que cette richesse d’âme, cette propension à lutter contre la précarité, soit modernisée et adaptée à l’évolution du mode de production capitaliste. Il faut créer des instruments modernes de solidarité communautaire qui soient compatibles avec l’évolution sociale, avec des critères objectifs et des mécanismes de fonctionnement respectueux de la dignité humaine, ce qui n’est pas le cas avec l’instrument traditionnel de solidarité qui passe par la main tendue, autrement dit la mendicité, attitude dégradante pour le nécessiteux. Il faut des institutions de solidarité et d’entraide qui fassent aussi office de leviers de développement, en concourant à l’expansion économique. Il suffit de regarder ce qui se fait ailleurs, au lieu de chercher à réinventer la roue !Pour me résumer, je dirais qu’il appartient aux dirigeants contemporains de concevoir des mécanismes modernes de sécurité et d’assistance, qui soient compatibles avec le mode de production de la société capitaliste moderne, en remplacement des liens de solidarité qui avaient cours dans les sociétés traditionnelles.P. A : Le 30 juin 1960 vous aviez douze ans et treize jours. Comment entrevoyiez-vous l’avenir à cette époque-là ?T.B.M : Tous les espoirs étaient permis, et l’avenir était envisagé en rose. Mais dans la décennie qui a suivi l’indépendance, je me suis rendu compte personnellement de la dérive du navire Congo, et c’est la raison pour laquelle je me suis inscrit en sciences économiques pour essayer d’appréhender le phénomène et de situer les responsabilités.P. A : vous avez parlé des migrations de populations qui ont donné naissance d’abord à des lignages, puis à des villages et enfin à des royaumes en Afrique. Que pensez-vous de la forme actuelle de la migration, où des Africains fuient leur terre pour l’Europe considérée par eux comme l’eldorado?T.B.M : C’est révoltant, humiliant et dégradant à la fois ! C’est le résultat concret de notre échec à assumer notre destin. Nous avons arraché l’indépendance à l’Occident, mais aujourd’hui, faute de créativité, nous désertons le pays pour rejoindre le même Occident, par terre, par mer et par air, bravant tous les dangers et subissant la mort par noyade pour certains, et par engourdissement sous l’effet du froid pour d’autres, recroquevillés comme des chenilles sur les trains d’atterrissage ou dans les soutes à bagages d’avions.La jeunesse du pays a perdu tout espoir, et consacre ce qui lui reste encore d’énergie à quitter le bateau ivre en déperdition. Ceux qui sont restés prisonniers du pays et de son enseignement au rabais, sont gagnés par l’amertume et se muent en hordes de vandales qui cannibalisent tout sur leur passage. Inconsciemment, ils sont devenus une force négative qui rajoute à l’insécurité générale, au lieu de l’atténuer. De victimes, ils s’érigent en bourreaux mais se trompent de cible en s’en prenant à d’autres victimes innocentes. Il s’en suit une chaîne d’interactions négatives ou effets boule de neige qui amplifie le mal plutôt que de le guérir. C’est la mécanique parfaitement huilée du sous-développement auto-entretenu.Moralité : la mauvaise gouvernance au niveau politique crée une onde de choc qui propage ses effets dans tous les secteurs de la vie nationale, lesquels effets vont s’amplifiant par inertie, comme une voiture poussée sur une pente raide, moteur éteint et embrayage au point mort.P. A : Le tribalisme instrumentalisé par les colonisateurs jadis l’est aujourd’hui par les politiciens. A quelles fins ?T.B.M : C’est selon le principe universel qui recommande de « diviser pour régner » ! Terrible instrument négatif au service soit des forts (les colonisateurs d’hier), soit des lâches (les politiciens à court d’imagination créatrice d’aujourd’hui). La persistance du recours à la tribu – et son corollaire, le tribalisme- est l’une des manifestations récurrentes de l’incapacité des Congolais à concevoir des instruments de sécurisation sociale et de solidarité communautaire construits sur les suppôts d’une économie et d’une organisation étatique modernes.Le sous-développement est un état permanent de sous-réflexion.P. A : Ailleurs le lobby d’intérêts constructifs et nationalistes est parti des associations, des écrivains, penseurs, meneurs du peuple, ect… D’où devra-t-il partir pour le Congo ?T.B.M : Ailleurs, comme aux Etats-Unis, le clivage racial a servi de cadre à l’éveil des consciences et à la revendication. Chez nous, en l’absence de clivage racial mais face à la dégradation généralisée de l’environnement, la renaissance devrait partir de cercles de réflexion des intellectuels. Il faudra susciter un bouillonnement d’idées, des débats constructifs à travers lesquels les intellectuels indiqueront le chemin à suivre, au lieu de s’enliser dans le tribalisme, dans la quête du pouvoir et de l’argent sans considération morale. L’intelligentzia congolaise doit ouvrir un vaste chantier ayant pour finalité la création d’une opinion publique qui pèserait sur les décisions des acteurs politiques. Un contre-pouvoir de la société civile. Il faut une pensée économique et un courant d’éthique politique de création congolaise. P. A : Vous avez fustigé le Congo à 25 provincettes, dirigeable ou catastrophique ?T.B.M : Un Congo à 25 provincette c’est 250 ministres, à part le Gouvernement central. Avons-nous les moyens d’un tel train de vie ? P. A : Le Congo en panne, est-ce la faute de l’action des mauvaises personnes, ou au contraire de l’inaction des bonnes personnes ?T.B.M : L’élite intellectuelle doit être le vigile qui veille sur le village et tire la sonnette d’alarme à l’approche d’un danger éventuel. Malheureusement, le cadre congolais, par égoïsme et/ou par impuissance, se comporte comme un ouvrier : « boulot-nganda-dodo » comme qui dirait en Europe « métro-boulot-dodo» !L’élite intellectuelle, tenaillée par l’amincissement constant du gâteau national, a démissionné de son rôle d’éclaireur de la société, pour être à la solde de tout pouvoir qui détient la bourse et, démagogie oblige, à la remorque des humeurs et velléités rampantes de la base populaire. Le pseudo intellectuel se fait miroir plutôt que phare de la société.P. A : Pourriez vous expliquer ces deux phrases : « le sous- développement est un état permanent de sous-réflexion » et « le sous-développement est un phénomène économique dans ses conséquences mais culturel dans son essence » ? T.B.M : En effet, le développement est avant tout un état d’esprit, un schème mental, qui se traduisent par la suite dans les faits concrets. L’on ne peut en effet prétendre faire de l’industrie sans épouser et, au-delà, intérioriser la mentalité industrielle. L’industrie façonne le milieu aussi bien que l’homme.Les formes d’organisation sociale ainsi que le profil mental associés à l’industrie, sont indissociables de celle-ci, et se renforcent mutuellement dans une interaction à effets multiplicateurs, sous peine d’entraîner l’effondrement de tout l’édifice.P.A : La Chine a pu faire la rencontre avec son homme providence. A quand la rencontre des Congolais avec leur homme providence, et quelles pistes proposez-vous ?T.B.M : Malheureusement, sans verser dans la fatalité, il faut reconnaître et accepter la présence du facteur hasard dans l’histoire de l’humanité. Il n’y a pas un calendrier préétabli des évènements futurs pour chaque peuple, mais cependant, pour multiplier les chances d’avoir cette rencontre avec l’homme providence, pour forcer le destin à multiplier les hommes prométhéens, la solution est dans la généralisation de l’enseignement de qualité. L’école seule est la matrice, le germoir des esprits rationnels qui révolutionneront la face de la terre. La probabilité d’accroître les chances de trouver l’homme providence se trouve dans la faible de La Fontaine sur le laboureur et ses enfants : l’’avenir se prépare dès maintenant. P.A : Vous avez fais une large part à l’Histoire, avant d’aborder l’échec des Congolais, et de terminer par une proposition de solutions. Pourquoi ?T.B.M : Parce que le raisonnement est une construction pyramidale. Il me fallait remonter aux origines lointaines en expliquant d’où nous venons, ce qui nous a fragilisés chemin faisant, et couronner l’œuvre par une note optimiste en guise de piste de sortie du marasme.P.A : Pouvez-vous nous résumer les qualités essentielles d’un leader idoine ?T.B.M : Les enjeux du moment sont tels que l’homme providentiel devra être un leader ICI :I : InstruitC : ConsciencieuxI : IdéalisteP.A : Que diriez-vous aux Congolais, et à vos potentiels lecteurs qui vous liront aux quatre coins de la planète?T.B.M : Je leur dit que rien n’est définitivement perdu, mais que cependant rien de bon ne se fera s’il ne part pas de nos propres tripes. Le paradoxe du pays potentiellement très riche mais présentement très pauvre devrait nous ôter le sommeil où que nous nous réfugions. Nous ne pouvons nous dérober à cette tâche qui nous incombe, sans renier notre humanité. Nous devons bien nous mettre en tête que le sous-développement n’est pas une fatalité. A l’inverse, le développement ne nous tombera pas du ciel après un gros orage.Alors, chers Congolais, à quand le réveil ?Propos recueillis par James Nkongolo

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